A partir du 1er janvier 2015, l’accessibilité des cabinets médicaux aux personnes handicapées deviendra obligatoire. C’est un vrai challenge, car d’une part environ 85% des cabinets médicaux ne sont pas aux normes ; d’autre part, la grande majorité des médecins ne se sont pas préoccupés de cette obligation de mise aux normes votée depuis février 2005.
Que disent les textes de loi ?
La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits, des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dans son article l’article L.111-7 du chapitre III, a renforcé les exigences en matière d’accès des personnes handicapées : « Les dispositions architecturales, les aménagements et équipements intérieurs et extérieurs des locaux d’habitation, qu’ils soient la propriété de personnes privées ou publiques, des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des lieux de travail doivent être tels que ces locaux et installations soient accessibles à tous, et notamment aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap, notamment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique » [1].
L’article L. 111-7-3 précise le niveau l’accès et l’information à tous types de handicaps : « Les établissements existants recevant du public doivent être tels que toute personne handicapée puisse y accéder, y circuler et y recevoir les informations qui y sont diffusées, dans les parties ouvertes au public. L’information destinée au public doit être diffusée par des moyens adaptés aux différents handicaps ». Il faut noter que ces mesures s’appliquent aux cabinets médicaux, mais aussi à tous les professionnels et entreprises recevant du public. Ces exigences concernent non seulement les personnes atteints de handicap moteur, mais également ceux qui présentent un handicap visuel ou auditif.
En cas de non-conformité constatée L’article L. 111-8-3-1 précise la sanction encourue : « L’autorité administrative peut décider la fermeture d’un établissement recevant du public qui ne répond pas aux prescriptions de l’article L. 111-7-3 ».
Devant le retard accumulé pour l’application de cette loi, le Premier ministre a engagé à partir septembre 2013 une concertation entre les associations de personnes handicapées, les associations d’élus, les représentants du secteur des transports, du logement et de la construction, les représentants du commerce, de l’hôtellerie, de la restauration et les professions libérales. En mars 2014, Premier ministre a confirmé la mise en place d’Agendas d’Accessibilité Programmée (Ad’AP) qui permettront aux acteurs publics et privés, qui ne seraient pas en conformité avec les règles d’accessibilité au 1er janvier 2015, de s’engager sur un calendrier précis de travaux d’accessibilité d’une durée maximale de 3 ans. En cas de non-conformité constatée, la sanction prévue par l’article L. 111-8-3-1 a été aggravée de pénalisation.
En quoi consistent les obligations d’accessibilité ?
Les cabinets médicaux sont des établissements recevant du public (ERP) classés en grande majorité en 5e catégorie (voir encadré). Ils doivent répondre aux conditions posées par la loi du 11 février 2005 et les décrets ou arrêtés la complétant. Le décret n° 2006-555 du 17 mai 2006 est venu préciser les conditions d’accessibilité. Depuis le 1er janvier 2007, tout nouveau cabinet médical ou tout nouvel immeuble comprenant un cabinet médical doit répondre à ces exigences s’il a été créé dans des locaux neufs ou par changement de destination de locaux autres que ceux destinés à l’habitation (Fig. 1). Les nouvelles installations ne peuvent se faire que dans des cabinets médicaux conformes aux normes d’accessibilité pour les handicapés. Les cabinets médicaux situés dans un centre commercial sont classés comme celui-ci en ERP de 1e catégorie et subissent de ce fait les obligations y afférentes.
Au 1er janvier 2015, les ERP classés en catégories 1, 2, 3 ou 4 doivent respecter les prescriptions techniques d’accessibilité applicables au neuf pour chaque m² de chaque bâtiment. Les ERP classés en 5e catégorie bénéficient d’une petite souplesse, car ils doivent respecter ces mêmes prescriptions techniques d’accessibilité dans au moins une partie de l’établissement. Dans ce cas, toutes les prestations doivent pouvoir être délivrées dans cette partie accessible aux handicapés.
Les aménagements obligatoires pour permettre l’accessibilité concernent les parties extérieures et intérieures des établissements. Ces obligations s’appliquent à la circulation des personnes depuis le stationnement automobile s’il y a un parking, les rampes et escaliers, les ascenseurs, les locaux et leurs équipements (banque d’accueil, toilettes, divan d’examen…). Les arrêtés du 1er août 2006 et du 30 novembre 2007 précisent les aménagements à effectuer. Par exemple, tout parc de stationnement doit comporter des places adaptées pour les personnes handicapées situées à proximité de l’entrée de l’établissement. Tout escalier de trois marches ou plus doit notamment comporter une main courante et être antidérapant. Le cheminement des handicapés doit être facilité (Tab. 1). Le niveau de la pente de la rampe d’accès ou de tout dénivellement de plancher est réglementé. Les portes d’accès aux pièces et aux sanitaires doivent avoir une largeur de passage ≥90 cm avec une tolérance à 80 cm en cas de contrainte technique. Les sanitaires doivent comporter au moins un WC aménagé pour les personnes handicapées circulant en fauteuil roulant et un lavabo accessible. Les obligations concernent aussi la signalétique, le contraste des couleurs, l’éclairage etc. Le ministère des affaires sociales et de la santé en collaboration avec les conseils nationaux de l’ordre de plusieurs professions médicales a édité un document décrivant en détail les aménagements spécifiques à effectuer [2].
Le 26 février 2014, le premier ministre a confirmé l’option d’un Agenda d’Accessibilité Programmée. Ce document de programmation financière des travaux d’accessibilité permettra aux établissements recevant le public qui n’ont pas eu la possibilité de mettre en conformité leurs locaux de s’engager dans un calendrier précis pour la réalisation des travaux nécessaires à la mise en conformité dans un délai n’excédant pas 3 ans [3]. Le non-respect de l’échéance du 1er janvier 2015, sauf dérogation validée, reste passible de sanctions pénales. Les Agendas d’Accessibilité Programmée sont un dispositif d’exception qui permet de poursuivre en toute sécurité juridique des travaux d’accessibilité après le 1er janvier 2015, sous réserve d’en avoir fait la demande avant le 31 décembre 2014.
Les cabinets médicaux situés dans un local à usage mixte d’habitation familiale (résidence principale)/activité professionnelle sont considérés comme des locaux d’habitation, non soumis à l’obligation légale d’être accessibles au 1er janvier 2015, sauf s’ils ont été classés en ERP par le service départemental d’incendie et de secours (article R111-1-1 du code de la construction et de l’habitation).
A noter qu’un local professionnel qui ne reçoit jamais de patients n’est pas considéré comme une ERP mais comme un local de travail. Il n’est donc pas soumis à l’échéance de 2015 pour la mise aux normes d’accessibilité aux handicapés.
Quelles démarches préalables à la réalisation des travaux d’accessibilité ?
Si les travaux ne nécessitent pas de modification de l’architecture intérieure, il n’y a pas d’autorisation à demander pour les effectuer. Dans le cas contraire, il faut obtenir du service d’urbanisme une autorisation de construire, d’aménager ou de modifier une ERP (ex. déplacement de cloison, agrandissement de porte d’entrée). Il s’agit d’une déclaration préalable de travaux au titre du code de l’urbanisme, communément appelée « autorisation de travaux ».
Si les travaux nécessitent la modification de l’architecture extérieure de l’ERP, il faut déposer une demande de permis de construire ou d’aménager. Son obtention vaut autorisation de travaux conformes à la loi du 11 février 2005.
Les demandes d’autorisation de travaux ou de permis de construire doivent être déposées auprès de la mairie où est situé le cabinet médical. Des imprimés spécifiques existent pour chaque type de demande.
Les travaux d’accessibilité qui concernent les cabinets médicaux situés dans une copropriété doivent préalablement être soumis à l’approbation des copropriétaires lorsqu’ils affectent les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble Sous réserve que ces travaux n’affectent pas la structure de l’immeuble ou ses éléments d’équipement essentiels, l’autorisation est donnée au copropriétaire demandeur (vote à la majorité simple des présents ou représentés). d’effectuer, à ses frais, des travaux d’accessibilité aux handicapés. Si les travaux affectent la structure de l’immeuble ou ses éléments d’équipement essentiels, ils devront être votés à la majorité des 2/3 des voix, soit à l’unanimité, si ces travaux portent atteinte à la destination de l’immeuble ou aux modalités de jouissance des parties privatives d’un ou plusieurs copropriétaires.
En cas d’accord de la copropriété, cet accord est réputé acquis 2 mois après sa notification. La contestation de la décision de la copropriété ne peut se faire dans un délai de 2 mois après notification que par requête rédigée par un avocat auprès du tribunal de grande instance (TGI).
Lorsque l’assemblée générale refuse l’autorisation d’effectuer les travaux, le propriétaire peut être autorisé par le TGI à exécuter ces travaux à ses frais s’il en fait la requête. Si le TGI refuse l’autorisation de travaux, celle-ci constitue une impossibilité technique d’effectuer les travaux et permet de justifier la demande de dérogation auprès de la préfecture.
Si vous êtes locataire d’un local professionnel, le plus souvent le bail professionnel met à la charge du locataire la réalisation des travaux (se référer au bail de location).
Quelles dérogations et comment les obtenir ?
Des dérogations techniques à ces dispositions sont prévues pour les établissements existants. Trois motifs permettent d’obtenir cette dérogation :
1) Si les caractéristiques techniques du bâtiment ou son environnement ne permettent pas la mise en œuvre des aménagements exigés par la loi.
2) Si par nature le bâtiment concerné est classé bâtiment historique. Une prescription technique spécifique de préservation du patrimoine architectural s’applique dans ce cas
3) En cas de disproportion manifeste entre la mise en accessibilité et ses conséquences. Il peut s’agir d’une disproportion entre le montant des travaux et le chiffre d’affaire du (ou des) professionnel(s) de santé qui pourrait entraîner une réduction importante de cette activité pouvant aller jusqu’à la fermeture. Il peut s’agir d’une disproportion résultant d’une réduction importante des surfaces dédiées aux soins du fait de l’encombrement lié à la mise en conformité des locaux.
Pour une construction neuve aucune dérogation ne peut être demandée, sauf si l’installation doit se faire dans un bâtiment qui préalablement accueillait une autre activité (création par changement de destination).
Les dérogations doivent être demandées au bureau des architectes de la préfecture.
Une dérogation partielle peut être obtenue dans la mesure où il est prévu dans les textes qu’une partie des prestations délivrées par l’établissement peut être fournie par des mesures de substitution. Ces mesures de substitution sont appréciées, au cas par cas, par la Commission Consultative Départementale de Sécurité et d’Accessibilité (CCDSA) qui siège auprès du Préfet. Si la structure (l’ERP) assure une mission de service public (permanence des soins pour une maison de santé, une maison médicale de garde), les demandes de dérogation doivent obligatoirement être accompagnées de mesures de substitution.
L’obtention d’une dérogation préfectorale est pérenne et non nominative. Elle peut donc se transmettre avec la session du local professionnel.
Les médecins qui doivent prendre leur retraite avant le 31 décembre 2017, auraient pu être considérés comme bénéficiant d’office de cette dérogation, compte tenu du délai de 3 ans supplémentaires accordé aux ERP qui s’engagent dans un agenda d’accessibilité programmée. Pourtant, rien n’a été prévu pour les médecins qui sont à moins de 3 ans de la retraite.
Quelle sont les sanctions en cas de constatation de non-conformité ?
- La fermeture administrative :
L’autorité administrative qui a autorisé l’ouverture du cabinet médical peut décider de sa fermeture s’il ne satisfait pas aux obligations réglementaires d’accessibilité (article L 111-7-3, loi n° 2005-102 du 11 février 2005).
- Le délit pénal de discrimination en raison du handicap de la personne :
L’absence de mise en conformité pour l’accès aux personnes handicapées est assimilée à partir du 1er janvier 2015 à un refus de délivrer une prestation médicale du fait du handicap du patient. Elle est passible d’une amende pouvant atteindre 75.000 euros et 5 ans d’emprisonnement.
Conseils pour réussir sa demande de dérogation
Il est recommandé de faire rédiger le dossier de dérogation par un architecte habitué à ce type de démarche. Le dossier doit comporter outre le plan du local concerné, les aménagements réalisables pour la mise en conformité et ceux qui sont obligatoires, mais techniquement non réalisables.
Les cabinets médicaux classés en ERP de 5e catégorie (cas le plus courant) peuvent aménager une partie seulement de leurs locaux pour l’accessibilité aux handicapés sous réserve que toutes les prestations de l’établissement puissent pouvoir y être délivrées.
Les mesures de substitution ne sont pas obligatoires ne sont pas obligatoires sauf cas particulier (voir ci-dessus), mais elles peuvent faciliter l’obtention d’une dérogation.
Conclusion
Ces dispositions, dont le bien-fondé reste incontestable, rappellent celles qui avaient été prise lors de la mise en place du parcours de soin obligatoire pour tous les citoyens adultes, parce que 5% des patients avaient un recours abusifs à des soins spécialisés sans l’avis de leur médecin traitant. Nous connaissons bien les conséquences du parcours coordonnées de soins. Plus simplement, des mesures de substitution auraient pu être demandées aux professionnels de santé pour permettre l’accès aux soins des personnes handicapées, sans pour autant imposer par la loi et la pénalisation ces dispositions, qui risquent de mettre en péril certaines structures.
Si les cabinets médicaux sont souvent situés dans des centres villes c’est justement pour proposer une offre de soins de proximité à la population. Quelles seraient les conséquences de cette loi, si pour l’appliquer les cabinets médicaux seraient dans l’obligation de déménager dans des locaux adaptés mais situés dans des zones d’activité en périphérie des villes, sachant que les trottoirs ne sont pas encore totalement accessibles aux personnes handicapées et encore moins les transports en commun ?
Références
- Loi n°2005-12 du 11 février 2005 http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000809647
- Les locaux professionnels : Réussir l’accessibilité. Etre prêt pour le 1er janvier 2015. Ministère des affaires sociales et de la santé.
http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Reussir_accessibilite.pdf
Classification des ERP
Les établissements recevant du public sont classés en 5 catégories en fonction du nombre de personnes qu’elles peuvent accueillir* :
- 1re catégorie : ERP accueillant plus de 1 500 personnes
- 2e catégorie : plus de 700 personnes
- 3e catégorie : plus de 300 personnes
- 4e catégorie : moins de 300 personnes et au-dessus d’un seuil variable selon le type d’ERP
-
5e catégorie : en dessous de ce seuil variable.
(*) Nombre de personnes présentes simultanément, pour être en conformité avec les données de sécurité incendie/évacuation. Ce nombre est proportionnel à la superficie de l’établissement.
Tableau I : Normes techniques de cheminement pour l’accessibilité aux handicapés
Tableau I : Normes techniques de cheminement pour l’accessibilité aux handicapés
Établissement Recevant du Public (ERP) | Largeur minimale d’un cheminement (extérieur et intérieur) | |||
Règle générale | Tolérances possibles (rétrécissement ponctuel) | Atténuations(en cas de contraintes structurelles) | Motifs de dérogations | |
Le local professionnel | 1,40 m | 1,20 m ≤ largeur≤ 1,40 m | 0,90 m ≤ largeur≤ 1,20 m |
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Les partiescommunes del’immeubled’habitation | 1,20 m | 0,90 m ≤ largeur≤ 1,20 m | Largeur ≥ 0,90 m |
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Figure I : Obligations de mise aux normes d’accessibilité selon le type d’ERP et l’année de sa création. Algorithme-accessibilité